Des Lire d’été avec Sandra Todorovic – Partie 1

Sandra Todorovic est une éditrice au grand cœur. ZTL, la maison d’édition qu’elle a créée propose des livres adaptés à chacun. Sa maison d’édition ZTL est à son image : humaine, touchante, chaleureuse et bienveillante.

Lisiane : Bonjour Sandra, merci de faire partie de la série “Des Lire d’été” de mon blog. Pour les personnes qui ne te connaissent pas, est-ce que tu peux présenter brièvement ton parcours professionnel?

Sandra : Je m’appelle Sandra, j’ai 50 ans. Aujourd’hui, je suis éditrice. J’ai d’abord été aide-soignante pendant plus de 20 ans dans les hôpitaux parisiens. Au cours de ma vie, j’ai toujours eu la lecture comme fil conducteur. J’ai toujours lu bien que je sois dysléxique. J’ai également pris plaisir à partager la lecture avec mes patients à l’hôpital. Lorsque je suis moi-même tombée malade, j’étais bénévole pour une maison d’édition associative pour laquelle j’ai travaillé pendant six ans. Au bout de six ans, forte de toutes les questions de toutes les personnes que j’avais rencontrées et que j’avais pu aider autrement autour de la lecture, je me suis dit que finalement,cette voie pouvait être la bonne. Etant malade et ne pouvant déjà plus exercer, j’ai donc échangé ma blouse blanche contre une blouse d’éditrice. Ainsi, pendant deux ans, j’ai travaillé à monter les éditions ZTL. Cela fait maintenant six ans que la maison d’édition ZTL existe.

Lisiane : Peux-tu nous expliquer l’origine du nom d’édition ?

Sandra : Alors ZTL ce sont les les trois consonnes de Zé Too Lu. Pour le Zé, cela rappelle les enfants qui ont un cheveu sur la langue. Je trouve cela trop mignon quand ils disent par exemple : “Z’aime bien”. Too car, dans dans ma collection, il y a des livres en anglais. Lu parce que c’est aussi une forme du verbe lire. Etant nantaise et gourmande, Lu évoque aussi la marque Petit Lu. Puis, si tu décomposes le titre, dans “ZéTooLu”, il y a aussi : Tool. Le mot Tool désigne les outils en anglais. J’espère qu’à travers les livres que nous proposons, nous puissions apporter certains outils aux orthophonistes afin d’aider le plus grand nombre d’enfants.

Lisiane : J’ai cru lire au cours de mes recherches que tu as travaillé dans une une maison d’édition associative. ZTL est-elle aussi une maison d’édition associative?

Sandra : J’ai créé une maison d’édition sous forme de SARL. Je suis travailleur non salarié au sein de ma société. J’ai des alternantes que je rémunère. Toutes les personnes qui travaillent pour la maison d’édition sont rémunérées, c’est-à-dire le la correctrice, l’Infographiste, mes alternantes, les auteurs, les illustrateurs, ainsi que l’imprimeur. Je suis la seule à ne pas être salariée et à ne pas être rémunérée.

Lisiane : Mais alors, comment vis-tu financièrement?

Sandra: D’amour et d’eau fraîche! Je plaisante. Pour être honnête, quand j’ai créé la maison d’édition, je m’étais organisée financièrement. A l’heure qu’il est, normalement, j’aurais dû avoir un salaire si le COVID n’était pas passé par là. Quand je te disais précédemment que je suis toute seule, c’est un petit faux et un peu vrai à la fois. Je suis toute seule à travailler pour ZTL, c’est-à-dire à mener tout de front. Par contre, je suis assistée et soutenue par mes enfants et par mon mari. A cause du COVID, j’étais revenue au point zéro niveau trésorerie. Encouragée par les miens, je n’ai pas arrêté la maison d’édition. J’espère que dans deux ans, je pourrai me dégager un salaire. Aujourd’hui, c’est compliqué quand tu vois le prix du papier et que tous les prix augmentent. Il faudrait faire des livres à 30€ pour avoir une marge conséquente permettant de rentrer dans les frais de chaque intermédiaire de la chaîne de fabrication.

Lisiane : Effectivement, si un livre est à 30€ on élimine beaucoup de personnes. Cela ne rentre pas vraiment dans une démarche d’inclusion proposée par ta maison d’édition.

Sandra : On est d’accord. J’ai des livres qui vont de 5,50€ à 15€ sur sur le dernier parce que c’est un un gros roman de 300 pages en 15 par 21. Forcément, avec les 40 % d’inflation du papier, le coût a augmenté. Je tiens à rester accessible par le contenu et par le prix.

Lisiane : Je voudrai revenir sur le principe d’une maison d’édition associative. Quelles sont les différences avec une maison d’édition dite plus classique et plus connue du grand public?

Sandra : La différence réside dans son statut d’association. Par exemple, l’association a un but lucratif ou non. L’association peut se dégager un plafond de revenus. Je ne suis pas sûre que le grand public connaisse le monde éditorial. Le but d’une maison d’édition, associative ou non, est de produire du livre, du contenu. En soi, il n’y a pas de grandes différences.

Lisiane : Comment se déroule le choix d’éditer ou non un livre?

Sandra : Concernant ZTL, si je dispose de la trésorerie, je vais me pencher sur un projet à éditer. Ce projet à éditer va être en fonction d’où j’en suis dans mon catalogue. Aussi, je m’efforce de prendre en compte les attentes et les besoins de mes lecteurs. Actuellement, je me dirige plus vers la tranche ados/adultes. Cette demande est une réponse au fait que les lecteurs grandissent. Une fois que j’ai porté mon choix sur le format de de livre, je vais regarder quel livre peut correspondre dans les manuscrits reçus. Je vais me pencher sur ceux qui m’ont procuré de l’émotion, ce sur quoi on pourrait avoir à discuter ou un message à faire passer. Ensuite, je contacte l’auteur afin de savoir si c’est quelqu’un qui pourra et qui sera prêt à adapter un petit peu plus son livre en lecture confortable, accesible et inclusive.

Lisiane : As-tu eu des auteurs qui ne souhaitaient pas que l’on touche à leurs oeuvres?

Sandra: Oui, tout à fait. Cela signifie qu’au démarrage, il y a eu une erreur de casting. Quand les auteurs m’envoient des ouvrages, ils doivent normalement savoir que je suis une maison d’édition accessible et adaptée. Cela sous-entend donc qu’il va y avoir certaines modifications. Des fois, cela va être parce que les phrases sont trop longues en les scindant en deux. J’entends parfaitement qu’un auteur n’ait pas envie que l’on touche à son œuvre parce qu’encore une fois, c’est un artiste qui ne veut pas risquer que son oeuvre soit dénaturée. En tant qu éditrice, j’ai un besoin d’accessibilité et de facilité dans la lecture d’un ouvrage.Il va falloir travailler ensemble avec l’auteur. Honnêtement, ce cas-là n’est arrivé qu’une fois. J’ai entendu ce que m’a dit le l’autrice et je l’ai complètement respectée.

Lisiane : A l’inverse, as-tu en mémoire un manuscrit reçu et que tu regrettes de ne pas avoir pu le publier?

Sandra : Tout le temps. Si je pouvais éditer tous les livres que je trouve fabuleux, ce serait idéal. Malheureusement, ma maison d’édition est petite. Dans le meilleur des cas, j’édite trois livres à l’année.

Lisiane : Parmis les oeuvres que tu n’as pas pu publier pour raisons budgétaires, en as-tu déjà retrouvées en librairie chez une autre maison d’édition?

Sandra : Oui, et c’est super parce que je me dis que je ne m’étais pas trompée.L’histoire était chouette. Aussi, je suis contente car l’auteur a trouvé la maison d’édition qui lui permet de rencontrer son public.

Lisiane : Tu as un livre en tête?

Sandra: Un de Marie-Hélène Lafon. Au moment où elle l’avait proposé, je n’avais pas les finances pour l’éditer.


Lisiane : Quel est le budget moyen pour éditer par exemple 1000 livres ou cent livres?

Sandra : Cela va dépendre du format et de l’imprimeur. Il n’y a pas de budget moyen. Si je te donne un chiffre, il sera erroné car le budget est unique pour chaque parution de livre. Sur le prix de vente, il faut savoir qu’il y a aussi des des taxes qui tombent. Il y a aussi des droits d’auteur à verser. Pour une petite maison d’édition, concernant la vente de livre, ceux qui gagnent le plus sont le diffuseur et le distributeur.

Lisiane : En parlant de cela, comment sont distribués et diffusés tes livres?

Sandra : Par mes petits bras car je n’ai pas de diffuseur. Je n’ai pas non plus de distributeur afin de ne pas ajouter un coût supplémentaire au prix de vente. Il faut savoir que c’est un service couteux et pouvant demander une certaine pression, un certain timing. Personnellement, je ne veux pas travailler dans la précipitation, au temps pour les auteurs que pour moi. Lorsque le livre sort, cela signifie qu’il est abouti. Nous sommes heureux et satisfaits du travail accompli ensemble. Nous pouvons mettre deux ans en travaillant sans pression. La dernière raison de mon choix de diffusion et de distribution de manière autonome est celle d’une démarche écologique. Les gens ne le savent pas mais quand tu édites et que ton livre est passé en librairie, s’il n’a pas été vendu et bien il y a une chance sur deux qu’il finisse au pilon. Je ne vois pas moi l’intérêt d’avoir un une démarche écologique avec des livres en papier recyclé, avec une encre végétale, éditer à proximité de chez moi si c’est pour qu’en cas d’invendus, les livres finissent au pilon.

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